Lors de la construction du MCR4S, beaucoup de questions circulaient sur la génération électrique des moteurs Rotax.
Afin de tirer les choses au clair, j'ai pu mettre la main sur un alternateur Ducati/Rotax complet.
Jérôme Delamare, chercheur en électricité à l'Université de Grenoble Alpes (G2Elab), m'a alors proposé son aide pour une étude approfondie.
Nous avons mené ces investigations au cours de l'hiver 2003-2004.
L'alternateur monté sur les Rotax est fabriqué en Italie par DUCATI energia.
C'est un alternateur monophasé à aimants permanents.
Il faut donc à la fois redresser sa tension alternative pour la transformer en tension continue, la lisser pour obtenir une tension constante, et la réguler autour de 14 Volts..
Pour cela, il est nécessaire avant tout de connaître les caractéristiques de l'alternateur.
La plupart de ces caractéristiques étant introuvables dans la documentation du constructeur, nous les avons mesurées.
Une pièce tournée et un roulement à bille ont été nécessaires pour installer l'alternateur sur un banc d'essai au G2Elab.
Le montage permet la rotation du rotor (à l'extérieur) tout en immobilisant le stator à l'aide d'un doigt métallique engagé dans un des trous du stator.
Une protection a été montée sur le banc pour se prémunir d'une éventuelle satellisation de l'alternateur ;-)
L'alternateur est entraîné par un moteur à courant continu (en gris).
Armoire et source mobile d'alimentation.
Oscillogramme de la tension de sortie à vide (sans débiter de courant) de l'alternateur.
Pas bien beau…
NB : La fréquence permet de déterminer le régime de rotation.
200 Hz avec 5 paires de pôles correspond à 40 tr/s, soit 2400 tr/min.
Afin de pouvoir simuler l'alternateur, une analyse spectrale nous a permis d'obtenir une décomposition harmonique de la tension à vide.
Pour utiliser des termes un peu moins techniques, cela veut dire que l'on va pouvoir retracer cette courbe en superposant plusieurs sinusoïdes de fréquences différentes.
A 102 Hz, pour une tension efficace de 10,56 V, on obtient la décomposition harmonique en valeur efficace suivante :
Harmonique 1 : | 10 | V | 100 Hz | 0° | ||
Harmonique 3 : | 3 | V | 300 Hz | 180° | ||
Harmonique 5 : | 0,21 | V | 500 Hz | 0° | ||
Harmonique 7 : | 0,65 | V | 700 Hz | 0° | ||
Harmonique 9 : | 0,59 | V | 900 Hz | 180° |
On considère ensuite que la tension à vide est proportionnelle à la fréquence.
La simulation de la tension à vide à 200 Hz à partir des valeurs précédentes donne un résultat très proche de la réalité (comparer avec la courbe expérimentale au paragraphe précédent).
En fonctionnement normal, les composants du régulateur seront donc soumis par l'alternateur à une tension de 100 V à 6000 tr/min.
Cette valeur doit non seulement servir à dimensionner les composants électroniques du régulateur mais permet de rappeler qu'une protection contre les surtensions est une sécurité pouvant être utile.
En cas de défaillance du régulateur, cette tension pourrait engendrer quelques dégâts si elle se retrouvait sur le réseau de bord…
La tension efficace à vide en fonction de la vitesse de rotation peut alors être tracée aisément :
L'alternateur possède une impédance interne. Elle peut être modélisée par une résistance en série avec une inductance.
La résistance a été mesurée par une méthode voltampèremétrique en alimentant le stator sous une tension continue (réduite) : 0,12 Ohm à 20° C.
L'inductance a été mesurée par différentes méthodes :
• | Au pont d'impédance : | 200 | µH |
• | En alimentant le stator sous tension réduite : | 400 | µH |
• | En mesurant le courant de court circuit : | 750 | µH |
La première mesure a été réalisée avec un courant de quelques mA, la seconde avec un courant de quelques ampères et la dernière avec un courant de 21 A.
Ces différences d'inductances sont certainement dues à la saturation du circuit magnétique statorique par les aimants du rotor.
Lorsque l'alternateur produit du courant, le champ créé par le bobinage statorique s'oppose au champ magnétique du rotor et réduit la saturation.
Comme nous le verrons par la suite, le courant instantané débité par la génératrice est important.
Nous retiendrons donc 750 µH pour l'inductance.
Le modèle électrique complet de l'alternateur est donc le suivant (donné à 200 Hz, soit 2400 tr/min)
Il est alors possible de tracer ses caractéristiques d'impédance et de court circuit.
Comme le montrent ces courbes, l'influence de la résistance est négligeable au dessus 1000 tr/min.
C'est donc l'inductance qui va limiter le courant de l'alternateur.
L'inductance a une impédance qui est proportionnelle à la fréquence.
La tension à vide de alternateur est elle aussi proportionnelle à la fréquence.
Le courant de court-circuit est donc constant quel que soit le régime, dès que la résistance est négligeable devant l'inductance.
Nous avons mesuré un courant de court-circuit de 21 A.
L'alternateur peut-il supporter ce courant de 21 A ou doit-il être protégé contre les surintensités ?
Pour répondre à cette question, nous l'avons fait fonctionner en court-circuit, équipé d'une sonde de température placée à la surface du bobinage statorique.
Elle permet non seulement de relever la température, mais aussi de s'assurer que nous restons dans un domaine de fonctionnement sans danger pour le bobinage.
Lors de cet essai en court circuit, on note une élévation de température de 30° en surface du bobinage. Cette température se stabilise après 25 min de fonctionnement.
Après l'arrêt du banc, la température en surface, s'est élevée de 17° supplémentaire en 45 secondes.
Cette élévation de température provient de la chaleur emmagasinée au centre du bobinage.
A l'arrêt, le flux d'air provoqué le rotor disparaît.
La surface du bobinage n'est plus refroidie par convection forcée, la température extérieure du bobinage devient sensiblement égale à sa température intérieure.
Dans nos conditions d'essai, il est donc possible d'estimer à 50°C, l'élévation de température du stator en court-circuit.
En conditions réelles de fonctionnement, en supposant une température ambiante de 80°C et en gardant les mêmes hypothèses, le bobinage fonctionnerait alors autour de 130°C.
Un isolant de bobinage bas de gamme supporte 150°C sans problème…
Nous pouvons donc dormir tranquille sachant qu'à chaque fois, les hypothèses prises sont très défavorables.
La chaleur sera mieux évacuée par conduction sur le carter du ROTAX que par le roulement de notre banc d'essai, l'air ambiant a certainement une température inférieure à 80°C, et l'isolant du bobinage n'est pas forcément de médiocre qualité.
NB : on peut observer que malgré les "tortures" subies à pleine puissance pendant des semaines, les isolants des bobinages sont toujours en parfait état (Cf. fontispice).
Les étudiants de Licence Pro de Jérôme ont mis en oeuvre une caméra thermique pour l'étude du régulateur de tension.
Les images de l'alternateur Ducati/Energia à pleine puissance sont très parlantes.
Les huit bobinages de charge chauffent progressivement, alors que les 2 bobinages d'allumage restent à température ambiante.
Leur fonctionnement n'a pas été caractérisé, en raison de leur faible consommation, et de leur séparation électrique avec le circuit de génération.
L'alternateur est donc protégé naturellement par son courant de court-circuit et ses caractéristiques thermiques.
La seule précaution à prendre est de dimensionner les câbles pour passer 20 A entre l'alternateur et le régulateur.