Anton Lawrence détaille ici ses constatations lors du changement et du resserrage des vis de volant sur trois moteurs Jabiru 2200 le 3 décembre 2006.
Anton Lawrence est responsable technique de la Recreational Aircraft Association of New Zealand (RAANZ).
Cet article est publié ici avec son aimable permission
Cet article détaille les opérations et les constatations effectuées lors du changement et du resserrage des vis de volant sur trois moteurs Jabiru 2200 le 3 décembre 2006.
Les trois moteurs sont montés sur des appareils Bantam B22J, chacun équipé d'une hélice standard Jabiru.
Sur le Bantam il est nécessaire de déposer la batterie, le solénoïde du démarreur, le régulateur et le support moteur pour accéder à la platine du stator.
Il s'agit du moteur n° 1677, mais il est identique au n° 794. Il a été décidé de déposer et d'inspecter le volant et l'entraînement de pompe à vide. Les marques noires sont des repères destinés à conserver le calage de l'allumage
La face arrière de l'entraînement de pompe à vide, qui s'appuie sur le pignon de distribution. Le fretting est très apparent
La face qui prend appui sur l'arrière du volant; on peut voir ici aussi une marque circulaire de fretting.
On peut apercevoir des marques de filetages dans les trous du volant, en cohérence avec le fretting. Les trois volants portaient ces empreintes
Volant numéro deux. Il a fallu tourner le volant de 90° et déposer les aimants pour en permettre le démontage
La face arrière de l'entraînement de pompe à vide porte des marques de fretting important
L'arrière du volant et l'avant de l'entraînement de pompe à vide montrent également des signes de fretting.
La partie du pignon de distribution qui dépasse du carter. La goupille cylindrique est montée en usine pour faciliter l'alignement. La vis est une vis neuve utilisée pour nettoyer le taraudage. Les marques de fretting sont clairement apparentes
Le rayon interne de l'entraînement de pompe à vide interférait avec le chanfrein du volant. Le chanfrein du volant a été augmenté pour éliminer cette interférence, pas de photos, désolé
Toutes les vis sont engagées de plusieurs filets, et garnies de graisse sur les faces des rondelles
Nous avons utilisé une clé dynamométrique simple du type avec barre et aiguille longue pour déposer les vis, dans le but de contrôler l'adhérence du frein-filet comparée au couple de serrage.
Le moteur 1 a nécessité 12 à 15 ft.lb (16-20 N.m) pour vaincre le frottement statique (décollement), puis environ 10 ft.lb (13,5 N.m) pour dévisser les vis du vilebrequin. Une fois dégagées du vilebrequin, les vis ont été facilement extraites des trois pièces empilées.
Le moteur 2 a demandé 20 ft.lb (27 N.m) pour le décollement, puis 18 ft.lb (24,4 N.m) pour le dévissage ; les vis ont été facilement extraites une fois le filetage dégagé du vilebrequin.
Le moteur 3 a nécessité environ 25 ft.lb (33,8 N.m) pour le décollement et un peu plus de 20 ft.lb (27 N.m) pour le dévissage ; les vis sont également sorties facilement une fois dégagées du vilebrequin.
Moteur 1 0.06 mm et 2 mm respectivement
Moteur 2 0.06 mm et 2 mm respectivement
Moteur 3 0.2 mm et 0 mm respectivement
Les vis du moteur 1 étaient clairement moins serrées que celles des deux autres, néanmoins le moteur deux portait les signes de fretting les plus sévères. Les heures du moteur deux sont proches de celles du moteur trois mais c'est le moteur trois qui portait le moins de traces de fretting.
Le test de décollement n'a pas révélé la précontrainte réelle des vis, mais il semble correct de conclure que c'est sur le moteur 3 que la précontrainte était la plus importante. Bien que le moteur un ait nécessité moins de couple de desserrage, il affichait plus d'heures de marche et moins de fretting que le moteur deux, mais plus que le trois.
Il serait également correct de conclure qu'une précontrainte supérieure correspond à moins de fretting.
Nous avons déposé le volant et l'entraînement de pompe à vide, mais pas le pignon de distribution, en raison de la nécessité de déposer le moteur et de démonter la platine arrière. La question sera réétudiée dans 50 heures.
J'avais acheté des vis à tête creuse hexagonale (CHC) neuves de marque SEP (filiale de Brighton Best), longueur 2 inch 5/16). J'avais également acheté des rondelles d'acier trempé grade 8 de 5/16” neuves. Nos intentions étaient de remplacer les rondelles “Belleville” fines, pour mieux répartir les charges sur le volant en aluminium. A l'inspection il est apparu que la tête des vis SEP SHCS avait un diamètre plus faible de 1 mm que celui des vis Unbrako démontées, et que la reondelle avait un jeu de 1 mm autour du corps. Cela diminuait encore la faible surface d'appui de la tête sur la rondelle, et il a semblé prudent de réutiliser les rondelles d'origine. Penser à les réinstaller dans le bon sens (partie convexe en haut).
Je me suis depuis rendu chez Brighton Best et ai découvert que les vis de marque YFS ont les mêmes dimensions que que les vis Unbrako.
Pourquoi cette différence ? Les vis Unbrako et Brighton Best YFS sont fabriquée selon la spécification 1960 alors que les SEP suivent une specification plus ancienne, en raison du grand nombre de machines nécessitant encore des vis à tête plus étroite. Le matériau cependant, est d'aussi bonne qualité.
NE PAS UTILISER LES VIS SEP NI DES VIS À TÊTE DE DIAMÈTRE RÉDUIT
Après nettoyage des taraudages, nous avos décidé d'utiliser de la graisse au bisulfure de molybdène sur les filets et sous la tête des vis CHC. La décision a été facilitée par la possibilité d'atteindre une précharge supérieure, et de resserrer les vis.
Nous avons tout d'abord serré les vis à 20 Nm (obtenus en environ 15 degrés après le serrage au contact), puis tenté de les ammener à 40 Nm. Cela s'est révélé impossible pour deux raisons. D'abord la clé hexagonale n'avait pas une résistance suffisante, et s'est détruite plusieurs fois à environ 31 Nm, ensuite j'avais calculé l'angle de serrage à environ 50 degrés. Nous avions largement dépassé cette valeur, il était clair que les pièces d'aluminium se comprimaient sous la charge.
Avec de la graisse sur les filets et sous les têtes, nous sommes parvenus à régulièrement serrer les vis au couple de 30 Nm sans endommager les outils, aussi nous en sommes nous tenus là.
La théorie indique qu'avec du Loctite dans les filets et sans graisse sous la tête, 30 Nm donnent environ 4600 lbs (20500 N) de tension par vis, et 5800 lbs (25800 N) avec lubrification, une marge significative. Il a déjà été possible d'atteindre 41 Nm sur d'autres modèles de moteurs, aussi avec une répartition correcte de la charge ce devrait être réalisable sur ces moteurs.
Dans 50 heures nous serons obligés de renouveler toute l'opération. Nous utiliserons des vis de marque Umbrako ou YFS (Brighton Best) et installerons des rondelles trempées (l'utilisation de Nordlock sera étudiée). Le volant sera déposé pour voir si le fretting a été réduit ou éliminé. S'il est encore présent, il sera préférable de faire poser des pions de positionnement dès que possible.
Le fait d'essayer de maintenir des pièces en alliage d'aluminium par serrage en sandwich contre des pièces d'acier avec des vis à haute résistance est en lui-même un problème.
La résistance en compression de l'aluminium est inférieure à celle de l'acier. Les efforts doivent être mieux répartis, ou l'aluminium remplacé par de l'acier.
Les rondelles “Belleville” on été conçues comme une variante des rondelles élastiques; elles s'écrasent simplement à plat sous la contraintes des vis, et ne répartissent qu'imparfaitement les charges. Des rondelles trempées aideraient à répartir les efforts. Une couronne d'acier trempé sous les têtes pourrait aussi améliorer les choses.
On pourrait penser que des pions de positionnement aideraient à prévenir le fretting, mais il faut garder à l'esprit que deux des pièces à maintenir sont en alliage d'aluminium, et pourraient battre autour des pions en cas de contraintes de cisaillement excessives.
Actuellement les pièces subissent du fretting. Entre 150 et 250 heures aucun problème, mais au fil du fretting la précontrainte des vis va diminuer, un point critique va être atteint où la précontrainte va chuter de façon significative et permettre au fretting d'augmenter exponentiellement. Les vis seront alors exposées à des contraintes de cisaillement pour lesquelles elles ne sont pas conçues, et développeront des criques se propageant sur la ligne de cisaillement. Puis quand la section sera trop faible pour encaisser les efforts, elles casseront une par une. Parfois les efforts du démarrage provoqueront la défaillance finale, parfois elles casseront en vol.
Ni l'un ni l'autre n'est satisfaisant.
En remplaçant les vis toutes les 50 heures, on évitera un désastre, mais on ne peut préjuger de l'évolution de l'état des pièces si elles ne sont pas convenablement inspectées. Le S/B JSB012 ne préconise pas de déposer le volant ou l'entraînement de pompe à vide en raison du risque de perdre le calage de la distribution. Il a été démontré qu'il est en fait très facile de déposer le volant et l'arbre de pompe à vide, et d'en vérifier l'état de surface. Les moteurs récents ont même une goupille cylindrique qui semble engagée dans le vilebrequin pour conserver le calage (ne pas tourner l'hélice), et assure la mise en position du volant lors du remontage.
Sans une inspection correcte de ces pièces, vous ne pouvez vous faire une idée des éventuels problèmes futurs. Si elles ont subi un fretting sévère, il est recommandé de dégrouper le moteur, de déposer la platine arrière et de vérifier l'état du pigon de distribution.
En laissant en place des pièces endommagées par fretting sans les resurfacer, le temps avant défaillances risque d'être considérablement réduit.
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L'article d'Anton sur le serrage des vis de volant Jabiru
L'article d'Anton sur le freinage de la boulonnerie