Le but de cette petite étude est de partager nos informations sur l'équipement de la cloison pare-feu. Ce qui se pratique, les produits existants, ce que l'on peut faire soi-même et ce que l'on peut éviter.
Et ce que nous avons fait sur notre projet de MCR 4S.
Bien que les solutions envisagées s'appliquent à la construction des MCR, elles sont transposables à tous les types d'avions.
Vos remarques et retours d'expérience sont les bienvenus.
La cloison pare-feu est là pour contenir un éventuel feu moteur. L'occurence est rare mais peu engageante.
Les FAR/JAR demandent que le le matériau choisi ou les éléments de CPF puissent résister à une température d'environ 1100°C pendant 15 minutes sans laisser pénétrer la flamme. L'exigence est sévère, mais difficile de la désapprouver : en cas de fuite de carburant ou d'huile, retour au carburateur, rupture d'échappement ou court-circuit les conséquences peuvent être gravissimes.
La CPF doit être résistante au feu et à la corrosion, donc sur les avions "classiques" en tôle d'acier inox ou zingué (avions en tubes et toile). L'aluminium est à proscrire : il fond avant même de rougir (660°C).
Les avions en composite posent un problème particulier : les stratifiés perdent leurs propriétés largement au-dessous de ces températures. On s'en tire par l'interposition d'une couche de fibres réfractaires au-dessous d'une fine tôle d'inox. Cette technique a été mise en place par Burt Rutan sur ses modèles Vari-Eze et Long-Eze il y a 3 décennies.
Des essais publiés dans Kitplane il y a quelques années donnent à penser que ce procédé, s'il est mal mis en œuvre, pourrait ne pas toujours limiter les températures à un niveau acceptable en cas d'incendie.
On oublie souvent la seconde fonction de la CPF, quotidienne, celle-là : empécher toute pénétration de flammes bien-sûr, mais aussi de liquides ou de gaz dangereux.
Les ouvertures doivent être peu nombreuses et étanches. Or la CPF doit laisser le passage à de nombeux câbles de commande, conduites, fils, tringles, qui compliquent singulièrement le problème. Il faut donc mettre en place des traversées de cloison.
L'exament de nombeux avions légers, même certifiés, montre que cette exigence n'est pas toujours correctement prise en compte, et les cas d'intoxication au CO en vol ne sont pas si rares.
Le simple trou de passage, "sans rien". Brr ! Si vous rencontrez une machine ainsi traitée, passez votre chemin.
On rencontre souvent maintenant des passe-câbles en caoutchouc ou en plastique. Très joli, et le maintien mécanique est assuré...à froid.
Cependant ils ne sont pas prévus pour les hautes températures et l'étanchéité. Les gaz passent directement dans la cabine. En cas de feu ou de simple surchauffe, le caoutchouc brûle, le plastique fond. Plus de maintien mécanique, le câble se blesse sur la CPF, les gaz passent dans la cabine. Court-circuit et asphyxie garantis.
Très répandue sur les avions d'aéroclub, elle a le mérite d'assurer correctement l'étanchéité aux gaz : le trou de passage est couvert de mastic.
Pas toujours franchement clean.
Seul problème, ce mastic est rarement "non-feu". Souvent acheté sans specs chez un fournisseur ordinaire, il peut révéler quelques surprises si on le soumet à la flamme d'un briquet...
Voici comment ont été réalisées les traversées de CPF sur notre projet
Chaque traversée est équipée d'un morceau de gaine anti-feu.
L'étanchéité aux gaz et à la flamme est assurée par un manchon de gaine anti-feu garni de mastic intumescent, et maintenu par des colliers inox. Ne pas oublier de garnir la tranche, pour éviter d'imbiber l'isolant avec de l'huile ou de l'eau.
La traversée en inox évasée permet le maintien mécanique sans blesser le câble ou le tuyau.
Température de fusion de l'inox : 1535°C.
Un morceau de tube inox à paroi mince, de la tôle inox, et quelques minutes de travail. Assemblage par brasure, mais dans l'idéal une soudure inox serait plus conforme.
Mes ciseaux Fiskars® sont de tous les chantiers depuis 20 ans : bâtiment, avions, bateaux...
Pour évaser les tubes (après brasure !), j'ai utilisé un embout de pistolet à riveter et une planche percée d'un trou.
Nous espérons bien entendu n'avoir jamais affaire à un feu moteur.
L'étanchéité des traversées a bien des avantages au quotidien sur notre machine : par rapport à d'autres MCR, moins de bruit en cabine, pas d'odeur ou de courant d'air, et zéro ppm de CO mesurées quelle que soit la phase de vol.
Voici quelques informations sur les produits haute-température utilisés pour l'étanchéité des cloisons pare-feu et les déflecteurs sous le capot.
Attention, tous ne conviennent pas aux traversées de cloison !
Sur le MCR-4S n° 20, nous avons employé une cartouche de 3M Fire Barrier 2000, spécialement prévu pour l'étanchéité et la résistance à la flamme des traversées de cloison dans le bâtiment. Le produit reste souple après la pose. Disponible chez Aircraft Spruce & Specialty.
Convient aux traversées de cloison pare-feu.
Récemment découvert, ce produit 3M semble convenir. Il s'agit d'un mastic souple intumescent : sous l'action des flammes, il se dilate, et vient occuper l'espace libéré autour des fils et des tuyaux qui se consument. La traversée reste non-feu pendant plusieurs minutes (4 h dans le bâtiment).
Attention toutefois, les specs mentionnent une température permanente de seulement 48°C (120°F).
Cette température est souvent dépassée sous le capot moteur, il convient donc de faire quelques essais avant de l'adopter pour les traversées de cloison pare-feu. Disponible chez Radiospares
Très employé dans les compartiments moteur des avions légers, ce mastic rouge disponible chez Aircraft Spruce & Specialty, convient pour les étanchéités de déflecteurs, par exemple.
Il garde ses propriétés de -65°C à 260°C (500°F) en continu. Résiste à une exposition intermittente à 315°C (600°F)
Il n'est pas non-feu, et n'est pas prévu pour les traversées de cloison pare-feu.
Nous avons fait un grand usage de ce mastic souple produit par VALCO Cincinatti. Il résiste à 204°C (425°F) en continu, et nous a servi à de nombreux collages et étanchéités, fixation d'isolant, pose de capteurs de pression ou de température.
Disponible chez Aircraft Spruce & Specialty
Pas prévu pour les traversées de cloison pare-feu..
Vu sur la machine de Jérôme : de jolis petits presse-étoupe en laiton nickelé de chez Radiospares (température de fusion 900-1000°C).
Entrée et sortie évasée pour ne pas blesser les fils.
L'ouverture convient à un toron de diamètre moyen.
Pose et obturation au mastic intumescent.
La gaine anti-feu en place. Elle sera immobilisée par deux tours de fil à freiner.
La sortie sera aussi garnie de mastic intumescent, et serrée au fil à freiner. Il est important de mastiquer la tranche de la gaine, pour lui éviter de s'imbiber d'eau ou d'hydrocarbures.
Une réalisation très propre de traversée de cloison. Le petit "bouclier" recouvre un joint en matériau non-feu. Évidemment pas en caoutchouc, mais une rondelle découpée dans du silicone à déflecteurs convient très bien.
Dans son ouvrage Bingelis on Engine, Tony Bingelis nous propose une méthode de fabrication de ces boucliers. Sinon, le constructeur fortuné pourra en trouver chez Aircraft Spruce. Ils existent même en deux pièces pour équiper des installations sans rien démonter.
Dans cet article publié sur son site Aeroelectric, Bob Nuckolls décrit la technique employée par un gros constructeur de Wichita.
Nous avons employé une variante de cette méthode.
Lire l'article de Bob Nuckolls
Suite à l'article de Bob Nuckolls, l'entreprise EPM.AV Corp commercialise depuis 2003 des traversées de cloison quasiment identiques à celles décrites sur cette page. Les grands esprits se rencontrent.
Une consolation, nos traversées sont évasées et ne risquent pas de blesser câbles et tuyaux. Et puis elles sont entièrement faites main ;-)
La notice de montage correspond presque exactement ce que nous avons fait.